Etablir des principes pour le restaurateur des
biens culturels meubles devient aujourd’hui l’un des
objectifs les plus urgents. La „Charte de Venise” est,
dans le domaine de l’architecture, considérée comme
déclaration obligatoire. Pour la peinture, surtout peintu
re murale, il apparaît dernièrement nombre de divergeances,
résultat d’une analyse insuffisante des
postulats e t du manque d’une théorie développée
largement et conséquemment. Nous assistons donc
à une floraison de diverses tendances qui représentent
une optique fragmentaire de la question, telle par
exemple l’opinion qui veut que l ’on procède à la re construction
afin de rétablir l’effet artistique primitif ou bien des voix opposées qui réclament le respect
pour le processus naturel de la destruction.
L’Objet principal de la théorie de conservation
est, selon l’auteur, avant tout la question des motifs
qui nous imposent de la piété envers les monuments.
Il présente donc plus amplement la théorie de Riegl
qui décèle, dans notre attitude vis-à-vis les monuments
dies critères d'évaluation suivants: historiques,
artistiques, e t utilitaires ainsi que la valeur de
„l’ancienneté” (Altenswert), résultant de la conscience
de la fugacité. Ensuite l’auteur décrit les
opinions de Dvorak qui a souligné le rôle des sentiments
tels que par exemple la piété religieuse, la
piété pour le souvenir des ancêtres, le patriotisme
e t la tendance à transmettre aux générations futures
ses propres expériences. (Fuis il analyse la classification
des notions d ’après Frodl, basée sur un système
développé des valeurs citées par Riegl, tout en introduisant
la valeur du „symbole”, par lequel il explique
e t justifie la reconstruction des désastres de guerre
(Varsovie). Des auteurs qui s’opposent à la formation des
„produits cliniques”, d ’un ,.scientisme exagéré” sont
commentés à leur tour, des auteurs qui s ’expriment
en faveur du rétablissement des valeurs artistiques
de l'oeuvre, de sa reconstruction (Wagner, Azzevedo,
Althöfer), ainsi que ceux qui sont pour les principes
de conservation strictement observés, avertissant de la
'possibilité de la formation des palimpsestes, car, dans
ce cas, 'il faudrait attribuer les valeurs du monument
aux reproductions aussi. Ce ne serait d’ailleurs qu’un
retour aux pratiques de Viollet-le-Duc (Linda 11,
Mielke, Roberto Pane).
Parmi les auteurs polonais c’est Dobrowolski et
Marconi qui, dans ces questions, représentent un point
de vue intermédiaire. Ils proclament, au lieu d ’une
interdiction stricte, l’opiniion qu’il faut „compléter,
mais le moins .possible”. On trouve une présentation
plus ample des opinions de Dutkiewicz qui constate,
entre autres, què l'homme „demande que le document
(...) soit entièrement véritable”. Dutkiewicz tient
compte aussi du fait de notre dépendance des a ttitu des
contemporaines, artistiques et philosophiques, et
trouve des raisons à la tendance de conserver l’état
existant et de „laisser la matière corrodée”. Mais, en
même temps, il parle de la nécessité de compensation
de valeurs perdues par de nouvelles valeurs. Il
compare le rôle du conservateur à celui du metteur
en ondes dans le .domaine de la musique mécanique.
Des voix qui critiquaient les sévères .principes
d ’autrefois, des voix qui réclamaient le droit de la
reconstruction, se sont fait entendre surtout dans
les premières années après la guerre, ce que fut une
réaction assez naturelle dans la situation, où de
considérables biens culturels étaient menacés de
perte.
Les conservateurs s ’inquiètent aujourd’hui car,
selon l’auteur, ils 'interprètent d’une manière fausse
l’attitude de l’homme contemporain envers l’art
ancien. L’acquis du passé peut être (incorporé dans
la vie contemporaine en ta n t qu’un facteur actif de
la culture. Cependant, dans la plupart des cas, il
constitue un fait historique ressenti avec une juste
notion de distance. Car l’homme possède l ’aptitude
d’accomoder la perspective de temps, de séparer les
choses éloignées des choses proches. C’est pourquoi
notre principe devrait être: c o n s e r v e r e t n e
p a s c h a n g e r , car c’est .ce principe qui est la seule
raison du métier du conservateur.
L’autre courant, apparaissant à côté des tendances
qui proviennent de l ’actualisation intégrale de
l’art ancien, est une fascination par le phénomène de
la fugacité. „Vanitas vanitatum”, une conscience de
la fugacité, du pessimisme e t de la désespérance —
ces idées se sont répétées plus d’une fois dans l’histoire
de notre culture. Nous entendons ces voix
depuis les temps bibliques. Et récemment, (Schopenhauer
et les existentialistes, iSpengler et Husserl,
parlaient de „Sein zum Tode” et d’une onise de la
cultpre e t 'de la science. Callais et Bataille aperçoivent
même dans l ’histoire de la (société des tendances à la
destruction qui seraient un moyen1 d ’assurer l ’existence
des normes .sociales e t de l ’équilibre économique.
Les mêmes tendances trouvent à leur opposé .des
orientations qui remportent sur celles-là. „Aere .perennius”,
„Ars longa, vita brevis” — tel rôle était
attribué à l’art. Ce sont ces dernières tendances qui
dominent, elles décident du développement et du
progrès de l’humanité. Nous sommes immunisés
contre la fascination par la fugacité grâce non seulement
à l'impératif biologique de la vie, mais aussi
à la conscience du sens de la vie (sociale e t de la
valeur de chacun de nos apports à la culture e t à la
civilisation humaine qui, elles, se développent
toujours.
En conclusion l ’auteur formule certains principes
et prémisses de l ’activité du conservateur:
■—■ le monument est un document; voilà pourquoi il
devrait être conservé sous sa forme inchangée;
— des objets endommagés, compte tenu de la connaissance
historique générale et de l’imagination
propre à tout homme, cessent d ’être actuellement
considérés comme victimes de destruction, telles —
et depuis longtemps déjà — les .sculptures antiques.
En les conservant sous cette forme nous .pouvons
par là-même constater la distance dans le temps
et .sentir l’authenticité de l’oeuvre, ce qui répond
aux besoins e t aux demandes explicites de tous les
spectateurs ;
— avant d ’établir un programme concret de conservation
il faut procéder à l’analyse des valeurs au
nom desquelles l’oeuvre en question doit être
conservée. En fonction des valeurs — selon la
classification de Riegl — qui vont emporter on
décidera dans quelle mesure on peut entreprendre
des retouches ou bien même des compléments.
Ces décisions devraient être individualisées, prises
pour chaque cas particulier, d ’une façon collégiale
pourtant, par des personnes compétentes et collectivement
responsables.